c'est pas moi je l'jure!

scène de famille

Depuis quelques mois, j’essaye de faire le deuil de ma “famille” telle que je la connaissais depuis bientôt 40 ans, mais petit à petit, je me re-rends compte (après plus de 15 ans éloignée, physiquement) qu’on était vraiment une famille disfonctionnelle. Ma mère était chroniquement dépressive et violente, et mon père se voilait la face en se noyant dans le boulot tout en jouant à la parfaite victime se sacrifiant au nom de … heu… je ne sais pas quoi.

Tout n’était pas horrible, bien sûr: on avait un toit au-dessus de nos têtes, des bons repas tous les jours, un accès (plus ou moins forcé) à la musique, une éducation potable, et de l’aide pour payer nos études jusqu’à la fin. On a même vécu quelques bons moments ensemble et on a eu la liberté (et le soutient) pour faire ce qu’on voulait de nos vies, plus tard. Mais on vivait un peu en autarcie, un peu comme dans une secte, parce que “nous” on était mieux que “les autres.” Nous, on mangeait bio, on ne regardait pas des conneries à la télé (on n’avait pas de télé), on ne dépensait pas notre argent inutilement aux sports d’hiver, on ne suivait pas les dernières modes, on n’écoutait pas de musique barbare à par Joe Dassin, on ne se dévergondait pas aux fêtes stupides organisées par “les autres,” on ne jouait pas à la barbie, on s’habillait avec des fringues du Centre Social Protestant… Et puis toujours ces engueulades et cette négativité constante, comme si nous on ne perdait pas notre temps à être heureux…

Exemple typique: lors d’un autre anniversaire, ma meilleure copine voulait m’inviter à aller voir le dernier film d’Arnold Schwarzenegger, The Running Man, un film tout à fait atroce. Mes parents voulant toujours voir les films avant de me donner la permission de les voir (pour me “protéger”?), ma copine et sa mère avaient dit à mes parents qu’on allait pic-niquer ensemble à l’abbaye de Romainmôtier (qui est, par ailleurs, superbe). Je me souviens du sentiment de liberté et de haine contre mes parents que j’ai ressenti pendant notre trajet à vélo depuis Daillens jusqu’au cinéma de Cossonay, et de la profonde satisfaction d’avoir vu un film d’une rare violence et complètement débile sans leur permission (ma satisfaction aurait été moindre si le film avait été plus “normal”).

Alors de quoi fais-je réellement le deuil aujourd’hui? Qu’est-ce qui peut me manquer à part le “principe” (même pas l’image, aucun membre de la famille ou personne extérieure ne se faisait d’illusion sur la réalité de notre famille) d’une famille unie et heureuse? Suis-je en train de souffrir du syndrome de Stockholm? Est-ce tout simplement que les changements (positifs on négatifs) sont toujours difficiles à vivre? Ou est-ce que ma mémoire me joue des tours et notre famille c’était “La petite maison dans la prairie” en réalité?

Ceci est une salade faite avec les tomates cerises du balcon et le cresson du balcon mais pas le concombre du balcon! Mais c’était quand même vachement bon!

Réussite: 10/10! Miam!

PS. Bon, là je viens de regarder Die Fremde, un film allemand absolument abominable sur les relations familiales… C’est sûr que vue sous cet angle, ma famille est idyllique!

18 comments

  1. Quelque soit la famille, je pense que les enfants ont toujours besoin de prendre leurs distances, un peu de recul par rapport à la famille, ne serait-ce que pour mieux définir leur identité, mieux affirmer leur personnalité.
    À un certain âge, les familles des autres nous semblent souvent plus intéressantes que la nôtre car elles ont quelque chose que l’on n’a pas chez soi… Mais, si on avait le choix, je ne suis pas sûr qu’on voudrait échanger la nôtre contre la leur.

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  2. Allons la famille normale ça n’existe pas…. Tu as été au bout de ta formation avec courage et détermination, tu es libre et indépendante, et tu peux regarder avec un oeil critique ton enfance sans paniquer. Tu as donc eu l’éducation idéale, enfin, je ne vois pas comment on pourrait faire mieux.

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  3. axelle

    Tu sais, on est toujours super critique à l’égard de sa famille …
    Moi, ce que je vois (un tout petit petit bout) de toi, c’est que grâce à leur alimentation, aujourd’hui, tu ne manges pas n’importe quoi et ils étaient vachement en avance sur leur époque, car aujourd’hui le bio est à la mode.
    Aujourd’hui, même en vivant seule, tu cuisines … Et ça, c’est rare ! Regarde … Tu n’aimes pas les purées en sachet !!!! 😉
    Grâce au fait qu’ils ne t’aient pas autorisé à t’abêtir avec des émissions stupides télévisuelles (le nombre de mômes qui regardent des conneries à la TV, ça en est pitoyable …) a fait de toi la personne cultivée que tu es.
    Je ne dis pas que les enfants qui regardent des reality shows seront forcement plus stupides que les autres. Mais l’ouverture culturelle aujourd’hui, ne se fait pas au travers d’émissions de grande écoute …
    C’est mon avis.
    S’habiller avec des fringues qui ne sortent pas de chez la dernière marque a fait de toi certainement une personne avec des valeurs humaines et sociales différentes des consommateurs de fringues.
    Alors, c’est sûr, il y avait peut-etre un peu de rigidité et de “trop” dans certains de leurs interdits. Mais ne jette pas le bébé avec l’eau du bain.
    On en veut tjs à nos parents pour certaines choses. Après, il faut garder ce qu’il y a eu de bon. Et ce que toi, tu en as fait.
    Amicalement,

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  4. C’est sûr que vu comme ça ta famille elle donne pas trop envie…
    Au sujet de la tv (et pour répondre à Axelle) : c’est pas parce qu’on y a accès quand on est petit qu’on devient débile. Chez nous il y avait la tv, on avait le droit de la regarder Ôôôôtant qu’on voulait et souvent on la trouvait… stupide. “Avoir” la tv n’empêche pas d’avoir un sens critique aigüe et de privilégier les émissions intéressantes, non par obligation mais par goût, même si on est petit… Quand j’avais “l’âge” de regarder l’île aux enfants ou récréA2, je détestais ça et trouvais ça super con-con. Je ne regardais Casimir et Goldorak que quand j’étais chez des cousins, pourtant mes parents ne m’interdisais rien.
    Ma famille était probablement l’opposé de la tienne (en dehors du protestantisme! Mais pas actif chez nous). Dans ma famille mes parents ne savaient pas toujours où nous étions quand j’avais 8 ans, du moment qu’on les laissaient peindre en paix. J’ai vu Orange Mécanique avant d’avoir l’âge et rien n’était interdit… Cependant des reproches à faire à mes parents j’en ai des tonnes!!!! Et des tonnes… Surtout par rapport à la violence entre eux.
    Ma mère m’a dit souvent que, quand j’étais enfant j’étais tellement “facile” qu’on s’apercevait à peine de ma présence!!! 😦 Chouette!!!!! Moi je traduis que ma mère s’occupait tellement peu de moi que j’ai été élevé par mes frangins dans une joyeuse famille de hippie! Évidement je caricature. Mais bon la famille parfaite : ça n’existe pas 😉
    En tous cas, je suis certaine que, voir ses parents se séparer, c’est très dur. Je crois sincèrement que c’est aussi dur qu’un deuil. Bon j’espère que ça deviendra plus facile de voir tes parents séparément et que vous trouverez tous un nouvel équilibre de cette façon. Est-ce que l’un des deux reste dans votre maison?
    Je te fais de gros bisous.
    Comment va ta coquine?

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  5. Pan dans les dents! Plein de choses se bousculent dans ma tête en lisant ton post (vécu joliment pareil par ici… et un peu comme Madeleine aussi ;)!) …. Je pense que tu es en train de passer un cap… et que tu peux faire la paix avec ça, continuer à vivre librement, TA vie. L’éducation que tu as reçue, tu peux choisir quoi en faire…. mais tu ne peux pas l’éradiquer totalement, on se situe toujours par rapport à quelque chose (d’existant). En début d’année, j’écrivais ça: http://jysuisjyreste.canalblog.com/archives/2011/01/01/20012958.html
    Et je crois que c’est toujours vrai. Bon cheminement!

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  6. Quelle que soit la famille dans laquelle on ait grandi, le changement provoque juste une perte des repères. Les choses ne sont plus à la même place, tout simplement, refaire un nouveau schéma, apprendre à éviter, parfois, certains sujet en présence de tel ou tel, savoir que ça ne sera plus “comme avant”, ce qui ne veut pas dire que ce sera pire ou meilleur, juste autrement.

    Et comme un emménagement dans une nouvelle ville, une nouvelle maison, il faut un petit temps d’adaptation pour ne pas aller se coucher et se retrouver dans les toilettes, ne pas se cogner le petit doigt de pied dans l’embrasure de la porte ou s’exploser le tibia dans la table du salon, retrouver son chemin vers l’épicerie les yeux fermés, etc…

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  7. Moi je tilte sur les mots “autarcie”, “mieux que les autres”, “pas le temps d’être heureux”… une éducation janséniste qui n’aurait pas déplu à Pascal en somme 😉

    C’est vrai que rien n’est totalement négatif dans une éducation, certaines choses sont réinterprétées par notre mémoire et le ressenti qu’on pouvait avoir mais il est heureux que ton tempérament, tes centres d’intérêt, ton métier, t’ai portée à t’ouvrir au contact de ces “autres” que certains principes de ton éducation auraient pu te faire rejeter. (Y compris des filles comme moi ayant joué à la Barbie et mangé de la purée mousseline en faisant un petit volcan pour mettre du jus dedans comme “vu à la télé” :D)

    La famille c’est un lien très fort entre ses membres mais qui n’est pas qu’amour, écoute, et bonté; c’est complexe; c’est aussi un terrain de sociabilisation avec ses tensions, ses luttes de pouvoir, ses faibles, ses forts, ses alliances… il faut en sortir pour grandir (ce que ne font pas les filles Ingalls tiens d’ailleurs…), bref, pas forcément un nid douillet mais c’est un nid unique et familier. Pas facile de le voir changer ou disparaître.

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  8. Frensoiz

    Une note dans laquelle beaucoup peuvent se reconnaître un peu.On a tous quelque chose à reprocher à nos parents …
    Mes parents avaient 10 ans de plus que ceux de la plupart de mes camarades de classe et, gamine, je les trouvais vieux (jeu) et un peu bornés. L’impression que mon père – un grand taiseux – ne s’intéressait qu’à nos résultats scolaires, que ma mère ne voulait jamais desserrer les cordons de la bourse, que mes copines avaient les derniers trucs à la mode (fringues, disques, gadgets) et pas moi etc.
    A 12 ans, j’avais l’impression d’avoir les parents les moins rock-and-roll (ou plutôt disco à l’époque) du monde. La honte !
    Je me rends compte aujourd’hui qu’ils faisaient ce qu’ils pensaient être le mieux pour nous, qu’ils nous ont permis d’apprendre à apprendre et à nous cultiver par nous mêmes et à faire nos propres choix.
    Cela n’empêche pas de ressentir un certain deuil lorsque la famille, même imparfaite, explose. Parce que c’est elle qui nous a construit d’une certaine façon.
    Bon courage !

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  9. mai 68

    Une mère qui avait sûrement été la victime de la violence de son père et de sa mère, c’était l’époque du martinet, des fessées et des punitions corporelles. parfois même en classe….

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  10. J’ai lu ta note ce matin, et j’ai failli commenter sur le vif. Et puis je me suis retenue, pour ne pas appesantir tes commentaires. Ce soir, je regarde le film Away we go, et je repense à ta note. Et à ma famille, à celle de mon amoureux, à celles de mes amis. Y’a pas de familles normales, ou parfaites, ou merveilleuses. Je crois bien qu’on a le droit d’idéaliser nos souvenirs, et de s’accorder le droit d’être nostalgique ou mélancolique face aux bouleversements qui touche sa famille. Heureusement. Que ce soit en positif ou en négatif, on se construit par rapport à elle. Ca fait mal de couper les cordons réels ou imaginaires qui nous y relient encore, même grands. Ca fait du bien aussi. Tu change en même temps qu’elle.
    Des bisous!

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  11. Mais tu sais c’est toujours douloureux lorsque les bases sur lesquelles on a été élevés s’effondrent. Quelque chose que l’on croyait solide et qui devient du sable mouvant. C’est le deuil de ton enfance que tu es entrain de vivre et bien sûr que cela te rend triste. Ce deuil tu le fais peut être un peu plus tôt que d’autres mais de toute façon tu aurais dû le faire.
    Heureusement tu as tes frères et soeurs et qui maintenant on créé leur famille et qui du coup sont solides comme tu l’es. Ensemble vous tiendrez à bout de bras vos souvenirs afin qu’ils soient toujours plein de vigueur.

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  12. Merci à toutes et à tous pour vos commentaires 🙂 Ma question n’était pas vraiment si ma famille était horrible ou pas (elle ne l’était pas complètement, comme je le dis bien, d’ailleurs), mais plutôt je me demandais ce qui pouvait bien me rendre ce changement si difficile vu que je ne vois pas ce qui pourrait me manquer de cette vie passée. Je crois que Valérie, tu l’expliques bien, c’est le coup des sables mouvants alors qu’avant c’était la stabilité, même si ce n’était pas une stabilité parfaite…

    Mais ça fait toujours du bien de savoir qu’on n’est pas seule à avoir une famille de fous 😉

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  13. clau

    Tu sais souvent c’est l’état même de la vie conjugale qui perturbe voire dégénère le comportement des hommes et des femmes, en raison des compromis que chacun est obligé de faire, des choses que l’on accepte mal pas chez le conjoint … des points de vue différents sur l’éducation des enfants … ( l’entente parfaite des époux étant extrèmement rare ) … Sais-tu si tes père et mère maintenant séparés vont mieux ? … Je veux dire la dépression et la violence de ta mère se sont peut-être grandement atténuées et ton père ne se noie peut-être plus dans le travail ou les tâches …

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  14. La famille, même imparfaite, ce sont nos fondations, ce qui nous sert de point d’appui pour aller de l’avant, s’éloigner en gardant des bases solides, qu’elles soient nutritionnelles (on cuisine comme nos parents, au début), culturelles ou autres…
    J’ai sensiblement eu la même éducation que toi pour ce qui est de la musique (piano obligatoire), la culture (j’ai étudié l’histoire comme ma mère…), l’assurance de pouvoir faire toutes les études que je voulais aussi longtemps que j’en avais besoin. Et comme chez toi, l’ambiance n’a pas toujours été des plus joyeuses.

    Quand tout chancelle, on est déstabilisé, on perd ses repères et son équilibre et même si tout n’était pas rose, on regrette que ça change. Et qu’on ait 7 ans ou 40, ce changement n’est pas bien agréable à vivre. Mais il faut se dire que c’est juste un gros changement. La vie continue, surtout celle que nous nous sommes construite loin de nos parents.

    Courage pour passer ce changement de cap.
    Gros bisous.

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  15. Pingback: ma lettre à mes enfants | c'est pas moi je l'jure!

Merci pour vos commentaires que j'adore :)